Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 1.djvu/213

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
187
ÉVIRADNUS.

Luttent, l’épée au poing, contre des lévriers ;
Des branches de glaïeuls et de genévriers,
Des roses, des bouquets d’anis, une jonchée
De sauge tout en fleur nouvellement fauchée,
Couvrent d’un frais parfum de printemps répandu
Un tapis d’Ispahan sous la table étendu.
Dehors, c’est la ruine et c’est la solitude.
On entend, dans sa rauque et vaste inquiétude,
Passer sur le hallier, par l’été rajeuni,
Le vent, onde de l’ombre et flot de l’infini.
On a remis partout des vitres aux verrières
Qu’ébranle la rafale arrivant des clairières ;
L’étrange, dans ce lieu ténébreux et rêvant,
Ce serait que celui qu’on attend fût vivant ;
Aux lueurs du sept-bras, qui fait flamboyer presque
Les vagues yeux épars sur la lugubre fresque,
On voit le long des murs, par place, un escabeau,
Quelque long coffre obscur à meubler le tombeau,
Et des buffets, chargés de cuivre et de faïence ;
Et la porte, effrayante et sombre confiance,
Est formidablement ouverte sur la nuit.

Rien ne parle en ce lieu, d’où tout homme s’enfuit.
La terreur, dans les coins accroupie, attend l’hôte.
Cette salle à manger de titans est si haute,
Qu’en égarant, de poutre en poutre, son regard
Aux étages confus de ce plafond hagard,