Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/148

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Leurs plumets font venir les filles aux fenêtres ;
Ils marchent droits, tendant la pointe de leurs guêtres ;
Leur pas est si correct, sans tarder ni courir,
Qu’on croit voir des ciseaux se fermer et s’ouvrir.
Et la belle musique, ardente et militaire !
Leur clairon fait sortir une rumeur de terre.
Tout cet éclat de rire orgueilleux et vainqueur
Que le soldat muet refoule dans son cœur,
Étouffé dans les rangs, s’échappe et se délivre
Sous le chapeau chinois aux clochettes de cuivre ;
Le tambour roule avec un faste oriental,
Et vibre, tout tremblant de plaques de métal ;
Si bien qu’on croit entendre en sa voix claire et gaie
Sonner allègrement les sequins de la paie ;
La fanfare s’envole en bruyant falbala.
Quels bons autrichiens que ces étrangers-là !
Gloire aux hallebardiers ! Ils n’ont point de scrupule
Contre la populace et contre la crapule,
Corrigeant dans les gueux mal vêtus la fureur
De venir regarder de trop près l’empereur ;
Autour des archiducs leur pertuisane veille,
Et souvent d’une fête elle revient vermeille,
Ayant fait en passant quelques trous dans la chair
Du bas peuple en haillons qui trouve le pain cher ;
Ils ont un air fâché qui tient la foule en bride ;
Le grand soleil leur creuse aux sourcils une ride ;
Ce régiment est beau sous les armes, rêvant
À la terreur qui suit son drapeau dans le vent ;