Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/22

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Un soir, Ratbert s’arrête aux portes de Carpi ;
Sur ce seuil formidable un dogue est accroupi ;
Ce dogue, c’est Onfroy, le baron de la ville ;
Calme et fier, sous la dent d’une herse incivile,
Onfroy s’adosse aux murs qui bravaient Attila ;
Les femmes, les enfants et les soldats sont là ;
Et voici ce que dit le vieux podesta sombre
Qui parle haut, ayant son peuple dans son ombre :

« Roi, nous te saluons sans plier les genoux.
Nous avons une chose à te dire. Quand nous,
Gens de guerre et barons qui tenions la province,
Nous avons bien voulu de toi pour notre prince,
Quand nous t’avons donné ce peuple et cet état,
Sire, ce n’était point pour qu’on les maltraitât.
Jadis nous étions forts. Quand tu nous fis des offres,
Nous étions très-puissants ; de l’argent plein nos coffres ;
Et nous avions battu tes plus braves soldats ;
Nous étions tes vainqueurs. Roi, tu ne marchandas
Aucun engagement, sire, aucune promesse ;
On traita ; tu juras par ta mère et la messe ;
Nous alors, las d’avoir de l’acier sur la peau,
Comptant que tu serais bon berger du troupeau,
Et qu’on abolirait les taxes et les dîmes,
Nous vînmes te prêter hommage, et nous pendîmes