Page:Hugo - La Légende des siècles, 1e série, édition Hetzel, 1859, tome 2.djvu/243

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Du vainqueur, du soldat, du fauve chasseur d’hommes.
Les vagues flamboiements épars sur les Sodomes,
Précurseurs du grand feu dévorant, les lueurs
Que jette le sourcil tragique des tueurs,
Les guerres, s’arrachant avec leur griffe immonde
Les frontières, haillon difforme du vieux monde,
Les battements de cœur des mères aux abois,
L’embuscade ou le vol guettant au fond des bois,
Le cri de la chouette et de la sentinelle,
Les fléaux, ne sont plus leur alarme éternelle.
Le deuil n’est plus mêlé dans tout ce qu’on entend ;
Leur oreille n’est plus tendue à chaque instant
Vers le gémissement indigné de la tombe ;
La moisson rit aux champs où râlait l’hécatombe ;
L’azur ne les voit plus pleurer les nouveau-nés,
Dans tous les innocents pressentir des damnés,
Et la pitié n’est plus leur unique attitude ;
Ils ne regardent plus la morne servitude
Tresser sa maille obscure à l’osier des berceaux.
L’homme aux fers, pénétré du frisson des roseaux,
Est remplacé par l’homme attendri, fort et calme ;
La fonction du sceptre est faite par la palme ;
Voici qu’enfin, ô gloire ! exaucés dans leur vœu,
Ces êtres, dieux pour nous, créatures pour Dieu,
Sont heureux, l’homme est bon, et sont fiers, l’homme est juste ;
Les esprits purs, essaim de l’empyrée lumineux,
Ne sentent plus saigner l’amour qu’ils ont en eux ;