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Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/106

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Il étonnait les monts où l'éclair retentit
Par la grandeur des pas qu'il faisait tout petit ;
Il risquait, par-dessus maint gouffre redoutable,
Des sauts de chevrier, de l'air d'un connétable ;
Il n'avait pas vingt ans qu'il avait déjà pris
Tout le pays qui va d'Irun à Lojariz,
Et Tormez, et Sangra, cité des sycomores,
Et détruit sur les bords du Zaban cinq rois maures.
Le père est Jayme ; il est plus formidable encor ;
Tell eût voulu léguer son arc, Roland son cor,
Hercule sa massue à ce comte superbe.
Ce que le titan chauve est à l'archange imberbe,
Don Jayme l'est à don Ascagne ; il a blanchi ;
Il neige sur un mont qu'on n'a jamais franchi,
Et l'âge atteint le front que nul roi n'a pu vaincre.
La mer parfois s'arrête et se laisse convaincre
Par la dune ou l'écueil, et s'abaisse et décroît,
Mais Jayme n'a jamais reculé dans son droit
Et toujours il a fait son devoir d'être libre ;
Ses vieux monts qu'envieraient les collines du Tibre
Sur l'horizon brumeux de loin sont aperçus,
Et sa tour sur les monts, et son âme au-dessus.
Jayme a chassé Kernoch, pirate de Bretagne.
Il verrait Annibal attaquer sa montagne
Qu'il dirait : me voilà ! rien ne le surprenant.
Il habite un pays sauvage et frissonnant ;
L'orage est éternel sur son château farouche ;
Les vents dont un courroux difforme emplit la bouche