Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/122

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Échoués dans notre âme obscure sur la grève De Dieu, gouffre où le vrai flotte et devient le rêve ; Sur les Saint-Baboleyns et sur les Saint-Andrés Soyez absurde et sombre autant que vous voudrez ; Dites que vous avez vu, parmi les mouettes Et les aigles, passer dans l'air des silhouettes De maisons qu'en leurs bras tenaient des chérubins ; Dites que pour avoir aperçu dans leurs bains Des déesses, rondeurs célestes, gorges blanches, On est cerf à jamais errant parmi les branches ; Croyez à tout, aux djinns, aux faunes, aux démons Apportant Dieu tremblant et pâle sur les monts ; Soyez bonze au Tonquin, mage dans les Chaldées ; Croyez que les Lédas sont d'en haut fécondées Et que les cygnes font aux vierges des enfants ; Donnez l'Égypte aux bœufs et l'Inde aux éléphants ; Affirmez l'oignon dieu, Vénus, Ève, et leur pomme ; Et le soleil cloué sur place par un homme Pour offrir un plus long carnage à des soldats ; Inventez des Korans, des Talmuds, des Védas, Soyez un imposteur, un charlatan, un fourbe, C'est bien. Mais n'allez pas calculer une courbe, Compléter le savoir par l'intuition, Et, quand on ne sait quel flamboyant alcyon Passe, astre formidable, à travers les étoiles, N'allez pas mesurer le trou qu'il fait aux toiles Du grand plafond céleste, et rechercher l'emploi Qu'il a dans ce chaos d'où sort la vaste loi ;