Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/129

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                           L'ombre est vaste et l'on n'en parla plus.

L'homme que tout le monde insulte est un reclus, On l'évite vivant et mort on le rature. Ce noir vaincu rentra dans la sombre nature ; Il fut ce qui s'en va le soir sous l'horizon ; On le mit dans un coin quelconque d'un gazon À côté d'une église obscure, vraie ou fausse ; Et la blême ironie autour de cette fosse Voleta quelque temps, étant chauve-souris ; Un mort donne fort peu de joie aux beaux esprits ; Un cercueil bafoué ne vaut pas qu'on s'en vante ; Ce qui plaît, c'est de voir saigner la chair vivante ; Contre ce qui n'est plus pourquoi s'évertuer, Et, quand un homme est mort, à quoi bon le tuer ? Que sert d'assassiner de l'ombre et de la cendre ? Donc chez les vers de terre on le laissa descendre ; La haine s'éteignit comme toute rumeur ; On finit par laisser tranquille ce dormeur, Et tu t'en emparas, profonde pourriture ; Ce jouet des vivants tomba dans l'ouverture De l'inconnu, silence, ombre où s'épanouit La grande paix sinistre éparse dans la nuit ; Et l'herbe, ce linceul, l'oubli, ce crépuscule, Eurent vite effacé ce tombeau ridicule. L'oubli, c'est la fin morne ; on oublia le nom, L'homme, tout ; ce rêveur digne du cabanon, Ces calculs poursuivant dans leur vagabondage Des astres qui n'ont point d'orbite et n'ont point d'âge,