Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/156

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Les dieux donnent de tels baisers à ses épaules, Qu'une lueur subite éclaire les deux pôles, Et la terre comprend qu'en ce ciel redouté L'humanité s'accouple à la divinité. Aimons. Allons aux bois où chantent les fauvettes. Il faut vivre et sourire, il faut que tu revêtes Cette robe d'azur qu'on nomme le bonheur. L'Amour est un divin et tendre empoisonneur. Laissons ce charmant traître approcher de nos bouches Sa coupe où nous boirons les extases farouches Et le sombre nectar des baisers éperdus. Les cœurs sont insensés et les cieux leur sont dus ; Car la démence auguste et profonde des âmes Met dans l'homme une étoile, et quand nous nous aimâmes Nous nous sentîmes pleins de rayons infinis, Et tu devins Vénus et je fus Adonis. Le tremblement sacré des branches dans l'aurore Conseille aux cœurs d'aimer, conseille aux nids d'éclore. Il faut craindre et vouloir, chercher les prés fleuris Et rêver, et s'enfuir, mais afin d'être pris. Adorons-nous. Ainsi je médite et je chante. Je songe à ta pudeur souveraine et touchante, Je regarde attendri l'antre où tu me cédas ; Pendant que, fatiguée à suivre nos soldats, La Victoire, au-dessus de nous, dans la nuée, Rattache sa sandale, un instant dénouée.