Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/160

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XIII PÉTRARQUE


Elle n'est plus ici ; cependant je la vois
La nuit au fond des cieux, le jour au fond des bois !
Qu'est-ce que l'œil de chair auprès de l'œil de l'âme ?
On est triste ; on n'a pas près de soi cette femme,
On est dans l'ombre ; eh bien, cette ombre aide à la voir,
Car l'étoile apparaît surtout dans le ciel noir.
Je vois ma mère morte, et je te vois absente,]
Ô Laure ! Où donc es-tu ? là-bas, éblouissante.
Je t'aime, je te vois. Sois là, ne sois pas là,
Je te vois. Tout n'est rien, si tout n'est pas cela,
Aimer. Aimer suffit ; pas d'autre stratagème
Pour être égal aux dieux que ce mot charmant : J'aime.
L'amour nous fait des dons au-dessus de nos sens,
Laure, et le plus divin, c'est de nous voir absents ;
C'est de t'avoir, après que tu t'es exilée ;
C'est de revoir partout ta lumière envolée !
Je demande : Es-tu là, doux être évanoui ?
La prunelle dit : Non, mais l'âme répond : Oui.