Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/246

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Les balles s'acharnaient, et son puissant dédain
Souriait ; il levait son sabre nu... — Soudain
Par une balle, ainsi l'ours est frappé dans l'antre,
Il se sentit trouer de part en part le ventre ;
Il resta droit et dit : — Soit. Ave Maria !
Puis, chancelant, tourné vers le bois, il cria :
— Mes amis ! mes amis ! Jeanne est-elle arrivée ?
Des voix dans la forêt répondirent : — Sauvée !
Jean Chouan murmura : C'est bien ! et tomba mort.

Paysans ! paysans ! hélas ! vous aviez tort,
Mais votre souvenir n'amoindrit pas la France ;
Vous fûtes grands dans l'âpre et sinistre ignorance ;
Vous que vos rois, vos loups, vos prêtres, vos halliers
Faisaient bandits, souvent vous fûtes chevaliers ;
À travers l'affreux joug et sous l'erreur infâme
Vous avez eu l'éclair mystérieux de l'âme ;
Des rayons jaillissaient de votre aveuglement ;
Salut ! Moi le banni, je suis pour vous clément ;
L'exil n'est pas sévère aux pauvres toits de chaumes ;
Nous sommes des proscrits, vous êtes des fantômes ;
Frères, nous avons tous combattu ; nous voulions
L'avenir ; vous vouliez le passé, noirs lions ;
L'effort que nous faisions pour gravir sur la cime,
Hélas ! vous l'avez fait pour rentrer dans l'abîme ;
Nous avons tous lutté, diversement martyrs,
Tous sans ambitions et tous sans repentirs,