Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/245

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Jean Chouan rêveur dit : C'est Jeanne-Madeleine.
Elle est le point de mire au milieu de la plaine ;
La mitraille sur elle avec rage s'abat.
Il eût fallu que Dieu lui-même se courbât
Et la prît par la main et la mît sous son aile,
Tant la mort formidable abondait autour d'elle ;
Elle était perdue. — Ah ! criait-elle, au secours !
Mais les bois sont tremblants et les fuyards sont sourds.
Et les balles pleuvaient sur la pauvre brigande.

Alors sur le coteau qui dominait la lande
Jean Chouan bondit, fier, tranquille, altier, viril,
Debout : — C'est moi qui suis Jean Chouan ! cria-t-il.
Les bleus dirent : — C'est lui, le chef ! Et cette tête,
Prenant toute la foudre et toute la tempête,
Fit changer à la mort de cible. — Sauve-toi !
Cria-t-il, sauve-toi, ma sœur ! — Folle d'effroi,
Jeanne hâta le pas vers la forêt profonde.
Comme un pin sur la neige ou comme un mât sur l'onde,
Jean Chouan, qui semblait par la mort ébloui,
Se dressait, et les bleus ne voyaient plus que lui.
— Je resterai le temps qu'il faudra. Va, ma fille !
Va, tu seras encor joyeuse en ta famille,
Et tu mettras encor des fleurs à ton corset !
Criait-il. — C'était lui maintenant que visait
L'ardente fusillade, et sur sa haute taille
Qui semblait presque prête à gagner la bataille,