Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/273

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On est si convaincu que lorsque, sous les arbres,
Au milieu des enfants rieurs, parmi les marbres,
Sur les degrés d'un temple ou sur l'arche d'un pont,
Le bronze montre au peuple un homme, il en répond ;
Mais tous ces malfaiteurs, mais tous ces misérables,
Devenus au passant stupide vénérables,
Ont si profondément, de leurs pieds de métal,
Pris racine au granit puissant du piédestal ;
J'ai mis sur leur bassesse une si grande armure,
Qu'en vain l'âpre aquilon sur leurs têtes murmure !
Ils sont là, fermes, froids, rayonnants, ténébreux,
L'heure, goutte du siècle, en vain tombe sur eux ;
Et vienne la tempête et vienne la nuée,
La foudre et son éclair, la trombe et sa huée,
Qu'importe ! ils sont d'airain ; et l'airain jamais vieux
Rit des coups d'ongles noirs de l'hiver pluvieux.
Novembre a beau venir après juillet ; l'année,
Cette dent qui mord tout, les respecte, indignée !
L'ondée, en les rouillant, les conserve ; leurs fronts
Se dressent immortels, plus fiers sous plus d'affronts ;
Sur eux s'abattent neige, averse, givre, orage,
Et tout le tourbillon des bises, folle rage,
Et la grêle insultante et le soleil rongeur,
Et, sans qu'il leur en reste une ombre, une rougeur,
Tous les soufflets du temps, ils les ont sur la joue ;
De sorte que le bronze éternise la boue.