Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/274

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Tel homme, à quelque crime effroyable rêvant,
Et qu'on flétrira mort, vous l'adorez vivant ;
Vous le faites statue avant qu'il soit fantôme ;
Vous ne distinguez pas le géant de l'atome,
Vous ne distinguez pas le faux vainqueur du vrai ;
Un jour Tacite, un jour Salluste et Mézeray
Diront : Ce scélérat a trahi la patrie,
Et traîneront sa gloire abjecte à la voirie ;
Vous l'avez déclaré sublime en attendant.
Moi sur qui vous mettez plus d'un masque impudent,
J'ai l'instinct qui vous manque, hélas ! et dans le reître
Qui vous semble un héros, souvent je sens un traître.

Ah ! fourmilière humaine ! il vous importe peu
Qu'un immonde stylite offense le ciel bleu.
Faire de la statue une prostituée !
Votre prunelle, au jour de cave habituée,
N'a plus d'éclairs, sourit au mal, se plaît à voir
L'ombre que du plateau d'un socle blanc ou noir
Jette le courtisan, le fripon, le transfuge,
Et l'aboiement du chien semble la voix d'un juge.
Les seuls dogues grondants protestent vaguement.

L'histoire ne peut plus me croire. Un monument
La déconcerte, ayant pour auréole un crime.
Pourtant j'étais jadis l'avertisseur sublime ;