Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/280

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Quand la forêt laissa voir dans sa transparence
L'âpre chasse donnée aux tyrans par la France,
Moi, pensif, regardant Kléber et Mirabeau,
Jean-Jacques, ce tison, Voltaire, ce flambeau,
Je m'étais, je l'avoue, imaginé qu'en somme
L'écroulement des rois c'est le sacre de l'homme,
Que nous avions vaincu la matière et la mort,
Et que le résultat de cet illustre effort,
Le triomphe, l'orgueil, l'honneur, le phénomène,
C'était d'avoir grandi jusqu'aux cieux l'âme humaine ;
C'était d'avoir montré dans l'aube qui sourit
L'homme beau par le glaive et plus beau par l'esprit ;
C'était d'avoir prouvé que cet être qui change,
Sur son épaule d'homme a des ailes d'archange,
Qu'il peut s'épanouir demi-dieu tout à coup,
Et que, lorsqu'il lui plaît de se dresser debout,
Son immense rayon mystérieux éclaire
Toutes les profondeurs de haine et de colère
Et leur verse l'aurore et les emplit d'amour ;
J'avais pensé que c'est pour accroître le jour,
Pour embraser le cœur, pour incendier l'âme,
Pour tirer de l'esprit humain toute sa flamme,
Que nos pères, Français plus grands que les Romains,
Avaient pris et tordu le passé dans leurs mains,
Et jeté dans le feu de la forge profonde
Ce combustible utile et hideux, le vieux monde ;
Je m'étais dit que l'homme avait soif, avait faim
D'être une âme immortelle, et qu'il avait enfin