Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/293

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


Ce misérable est seul dans cette ombre ; son front
Est plié, car la honte est basse de plafond,
Tant l'informe cerveau du fourbe est peu lucide,
Tant est lourd à porter le poids du parricide.
Si cet homme eût voulu, la France triomphait.
Il porte au coup ce noir carcan : ce qu'il a fait.
De la déroute affreuse il fut le vil ministre.
Sa conscience nue, indignée et sinistre,
Est près de lui, disant : L'abject sort du félon,
Ganelon de Judas et toi de Ganelon.
Sois le désespéré. Dors si tu peux, je veille. —
Il entend cette voix sans cesse à son oreille.
Morne, il n'a même plus cet espoir, un danger.
Il faut qu'il reste, il faut qu'il vive, pour songer
Aux vieilles légions de France prisonnières,
Pour qu'il soit souffleté par toutes nos bannières
Frémissantes, la nuit, dans ses rêves hideux.
D'ailleurs nos aïeux morts n'auraient au milieu d'eux
Pas voulu de ce spectre, et leur grand souffle sombre
Certe, eût chassé d'abîme en abîme cette ombre,
Et fouetté, ramené, repris, poussé, traîné
Ce fuyard à la fuite à jamais condamné !
Car, grâce à lui, l'on peut cracher sur notre gloire,
Car c'est par toi, maudit, que nos preux, notre histoire,
Nos régiments, de tant de victoire étoilés,