Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/319

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Délibération orageuse des flots. Mais, ô peuple, ayons foi. La vie est où nous sommes. Je le redis, la France est un besoin des hommes ; Après sa chute comme avant qu'elle tombât, L'immense cœur du monde en sa poitrine bat. Nous vivons. Nous sentons plus que jamais notre âme. Ah ! ce que nous a fait le destin est infâme, Et j'en suis indigné, moi qui songe la nuit ! Hélas ! Strasbourg s'éclipse et Metz s'évanouit, Faut-il donc renoncer au Rhin, notre frontière ? Non, nous ne voulons pas. Et la volonté fière, Avec l'accroissement de nos ongles, suffit. Ce que le sort fait mal toujours Dieu le défit ; Espérons. Il serait en effet bien étrange Que le peuple qui va vers l'aurore et dérange Le vieil ordre du mal rien qu'en se remuant, Aigle, fût désormais captif du chat-huant, Que le libérateur du monde fût esclave, Et que ce vaste Etna vît se figer sa lave Sous des bouches soufflant on ne sait quels venins, Et que ce géant fût garrotté par des nains ! Il serait inouï que cette altière France Par qui s'est envolé l'archange Délivrance, Après avoir sonné les sublimes beffrois, Et mis les nations hors du cachot des rois, Et déployé pour tous les peuples sa bannière, Fût de la liberté des autres prisonnière, Et livrée aux geôliers par ceux dont elle a fait