Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/318

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Donnons, et penchons-nous sur la vaste agonie. Donnons ! La France, hélas ! en est à ne plus voir Que des bras suppliants dans un horizon noir ; Cette nuit qu'on nous fait, ce n'est pas notre crime, Et nous la subissons. Soit. Le peuple est sublime Qui n'éteint pas l'amour quand l'ombre emplit le ciel, Et devient ténébreux mais reste fraternel. Des misères sont là, nos âmes leur sont dues. Ah ! que des mains vers nous soient vainement tendues, Cela ne se peut pas ! Donnons ! donnons ! donnons ! Qu'au moins le désespoir nous ait pour compagnons ; Que pas un affamé ne demeure livide, Et que pas une main ne se referme vide. Donnons. Surtout gardons l'espoir. L'espoir est beau ; Nous sommes dans le deuil, mais non dans le tombeau.


                               LE POËTE

Nous sommes un pays désemparé qui flotte, Sans boussole, sans mâts, sans ancre, sans pilote, Sans guide, à la dérive, au gré du vent hautain, Dans l'ondulation obscure du destin ; L'abîme, où nous roulons comme une sombre sphère, Murmure, comme s'il cherchait ce qu'il va faire De ce radeau chargé de pâles matelots ;