Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/333

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Fut cet ange qu'est l'homme avant d'être complet ;
Et l'aïeul, par les ans pâli, le contemplait
Comme on contemple un ciel qui lentement se dore.
Oh ! comme ce couchant adorait cette aurore !
Le grand-père emporta l'enfant dans sa maison,
Aux champs, d'où l'on voyait un si vaste horizon
Qu'un petit enfant seul pouvait l'emplir. Les plaines
Étaient vertes, avec toutes sortes d'haleines
Qui sortaient des forêts et des eaux ; la maison
Avait un grand jardin, et cette floraison,
Ces prés, tous ces parfums et toute cette vie
Caressèrent l'enfant ; les fleurs n'ont pas d'envie.

Dans ce jardin croissaient le pommier, le pêcher,
La ronce ; on écartait les branches pour marcher ;
Des transparences d'eau frémissaient sous les saules ;
On voyait des blancheurs qui semblaient des épaules,
Comme si quelque nymphe eût été là ; les nids
Murmuraient l'hymne obscur de ceux qui sont bénis ;
Les voix qu'on entendait étaient calmes et douces ;
Les sources chuchotaient doucement dans les mousses ;
À tout ce qui gazouille, à tout ce qui se tait,
Le remuement confus des feuilles s'ajoutait ;
Le paradis, ce chant de la lumière gaie,
Que le ciel chante, en bas la terre le bégaie,