Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/58

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Maudissait vaguement les casques, les cuirasses
Et les glaives, semeurs tragiques du trépas,
Et, sombre, murmurait : — Mortels, n’oubliez pas
Qu’Aglaé dans sa main tient un bouton de rose. —
Chacun recommandait à l’ombre quelque chose
65De faible, le haillon, le chaume, le grabat ;
Phtès, les damnés sur qui trop de haine s’abat,
Hermanès, l’humble toit du lépreux sans défense,
Gyr le droit, et Lysis la vénérable enfance.
Tous voulaient secourir l’homme, et le protéger
70Contre ce monstre obscur, l’innombrable danger ;
Tous calculaient le mal à fuir, le bien à faire.
La terre est sous les yeux du destin ; cette sphère
Semble être par quelqu’un confiée aux penseurs.

La nuit était immense, et dans ses épaisseurs
75Tout sommeillait, les bois, les monts, les mers, les sables ;
Eux, ils ne dormaient point, étant les responsables.
Les heures s’écoulaient, la nuit passait ; mais rien,
Ni la faim, ni la soif, ni le vent syrien
Qui va des mers d’Adram jusqu’au Tibre de Rome,
80Ne troublait ces esprits, souffrant des maux de l’homme ;
Ils avaient la révolte en eux, l’altier frisson
Que donne, à qui se sent des ailes, la prison ;
Chacun tâchait de rompre un anneau de la chaîne ;
Plus d’imposture ! plus de guerre ! plus de haine !
85Il sortait de chacun de ces séditieux