Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/72

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Mais Gaïffer était sans le sou, cent francs d’or
Font cent mille tomans, et son trésor étique
Avait besoin d’un coup de grande politique ;
Par la vente d’Aymon il a réalisé
De quoi pouvoir donner un tournoi, l’an passé,
Et bien vivre, et jeter l’argent par la fenêtre ;
La grandeur veut le faste, il ne convient pas d’être
À la fois duc superbe et prince malaisé ;
Enfin on dit qu’un soir il a, chasseur rusé,
Conduit, tout en riant, au fond d’une clairière,
Son frère Astolphe, et l’a poignardé par derrière ;
Mais ils étaient jumeaux, Astolphe un jour pouvait
Prétendre au rang ducal dont Jorge se revêt,
Et pour la paix publique on peut tuer son frère.



Étançonner le sable, ôter l’argile, extraire
La brèche et le silex, et murer le talus,
C’est rude. Après les huit premiers jours révolus :
— Sire, ce fossé passe en profondeur moyenne
Tous ceux de Catalogne et tous ceux de Guyenne,
Dit le maître ouvrier, vieillard aux blancs cheveux.
— Creusez ! répond le duc. Je vous l’ai dit. Je veux
Voir ce que j’ai sous moi dans la terre profonde. —
Huit jours encore on creuse, on sape, on fouille, on sonde ;
Tout à coup on déterre une pierre, et, plus bas,
Un cadavre, et le nom sur le roc : Barabbas.