Page:Hugo - La Légende des siècles, 2e série, édition Hetzel, 1877, tome 2.djvu/88

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On aperçoit du fond des solitudes vertes
Ce nœud de cous dressés et de gueules ouvertes,
Penché sur l'ombre, ayant pour rage et pour tourment
De ne pouvoir jeter au gouffre un aboiement.
L'antre est comme enfoui dans les ronces grimpantes ;
Parfois, au loin, le pied leur manquant sur les pentes,
Dans l'entonnoir sans fond des précipices sourds,
Comme des gouttes d'encre on voit tomber les ours ;
Le ravin est si noir que le vent peut à peine
Jeter quelque vain râle et quelque vague haleine
Dans ce mont, muselière au sinistre aquilon.

Un titan enterré dont on voit le talon,
Ce dur talon fendu d'une affreuse manière,
Voilà l'antre. À côté de la haute tanière,
Un gave insensé gronde et bave et croule à flots
Dans le gouffre, parmi les pins et les bouleaux ;
L'antre au bord du torrent s'ouvre sur l'étendue ;
La chute est au-dessous. Quand la neige fondue
Et la pluie ont grossi les cours d'eau, le torrent
Monte jusqu'à la grotte, enflé, hurlant, courant,
Terrible, avec un bruit d'horreur et de ravage,
Et familièrement entre chez ce sauvage ;
Et lui, laissant frémir les grands arbres pliés,
Profite de l'écume et s'y lave les pieds.