Page:Hugo - Les Contemplations, Nelson, 1856.djvu/212

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

A, pour montrer son ombre au crime,
Sa flamme au juste magnanime,
Jeté pêle-mêle à l’abîme
Tous ses masques, noirs ou vermeils ;
Dans les éthers inaccessibles
Ils flottent, cachés ou visibles ;
Et ce sont ces masques terribles
Que nous appelons les soleils !

Et les peuples ont vu passer dans les ténèbres
Ces spectres de la nuit que nul ne pénétra ;
Et flamines, santons, brahmanes, mages, guèbres,
Ont crié : Jupiter ! Allah ! Vishnou ! Mithra !
Un jour, dans les lieux bas, sur les hauteurs suprêmes,
Tous ces masques hagards s’effaceront d’eux-mêmes ;
Alors, la face immense et calme apparaîtra !


iii


*


Enfant ! l’autre de ces deux mondes,
C’est le cœur d’un homme. — Parfois,
Comme une perle au fond des ondes,
Dieu cache une âme au fond des bois.

Dieu cache un homme sous les chênes,
Et le sacre en d’austères lieux
Avec le silence des plaines,
L’ombre des monts, l’azur des cieux !

Ô ma fille ! avec son mystère
Le noir envahit pas à pas
L’esprit d’un prêtre involontaire,
Près de ce feu qui luit là-bas !