Page:Hugo - Les Contemplations, Nelson, 1856.djvu/213

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Cet homme, dans quelque ruine,
Avec la ronce et le lézard,
Vit sous la brume et la bruine,
Fruit tombé de l’arbre hasard.

Il est devenu presque fauve ;
Son bâton est son seul appui.
En le voyant, l’homme se sauve ;
La bête seule vient à lui.

Il est l’être crépusculaire.
On a peur de l’apercevoir ;
Pâtre tant que le jour l’éclaire,
Fantôme dès que vient le soir.

La faneuse dans la clairière
Le voit quand il fait, par moment,
Comme une ombre hors de sa bière,
Un pas hors de l’isolement.

Son vêtement dans ces décombres,
C’est un sac de cendre et de deuil,
Linceul troué par les clous sombres
De la misère, ce cercueil.

Le pommier lui jette ses pommes ;
Il vit dans l’ombre enseveli ;
C’est un pauvre homme loin des hommes,
C’est un habitant de l’oubli ;

C’est un indigent sous la bure,
Un vieux front de la pauvreté,
Un haillon dans une masure,
Un esprit dans l’immensité !