Seul, quand mai vide sa corbeille,
Quand octobre emplit son panier ;
Seul, quand l’hiver à notre oreille
Vient siffler, gronder, et nier ;
Quand sur notre terre, où se joue
Le blanc flocon flottant sans bruit,
La mort, spectre vierge, secoue
Ses ailes pâles dans la nuit ;
Quand, nous glaçant jusqu’au vertèbres,
Nous jetant la neige en rêvant,
Ce sombre cygne des ténèbres
Laisse tomber sa plume au vent ;
Quand la mer tourmente la barque ;
Quand la plaine est là, ressemblant
À la morte dont un drap marque
L’obscur profil sinistre et blanc ;
Seul sur cet âpre monticule,
À l’heure où, sous le ciel dormant,
Les méduses du crépuscule
Montrent leur face vaguement ;
Seul la nuit, quand dorment ses chèvres,
Quand la terre et l’immensité
Se referment comme deux lèvres
Après que le psaume est chanté ;
Seul, quand renaît le jour sonore,
À l’heure où sur le mont lointain
Flamboie et frissonne l’aurore,
Crête rouge du coq matin ;
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