Page:Hugo - Les Misérables Tome II (1890).djvu/310

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Il regarda, et vit qu’il y avait quelqu’un dans le jardin.

Un être qui ressemblait à un homme marchait au milieu des cloches de la melonnière, se levant, se baissant, s’arrêtant, avec des mouvements réguliers, comme s’il traînait ou étendait quelque chose à terre. Cet être paraissait boiter.

Jean Valjean tressaillit avec ce tremblement continuel des malheureux. Tout leur est hostile et suspect. Ils se défient du jour parce qu’il aide à les voir et de la nuit parce qu’elle aide à les surprendre. Tout à l’heure il frissonnait de ce que le jardin était désert, maintenant il frissonnait de ce qu’il y avait quelqu’un.

Il retomba des terreurs chimériques aux terreurs réelles. Il se dit que Javert et les mouchards n’étaient peut-être pas partis, que sans doute ils avaient laissé dans la rue des gens en observation, que, si cet homme le découvrait dans ce jardin, il crierait au voleur, et le livrerait. Il prit doucement Cosette endormie dans ses bras et la porta derrière un tas de vieux meubles hors d’usage, dans le coin le plus reculé du hangar. Cosette ne remua pas.

De là il observa les allures de l’être qui était dans la melonnière. Ce qui était bizarre, c’est que le bruit du grelot suivait tous les mouvements de cet homme. Quand l’homme s’approchait, le bruit s’approchait ; quand il s’éloignait, le bruit s’éloignait ; s’il faisait quelque geste précipité, un trémolo accompagnait ce geste ; quand il s’arrêtait, le bruit cessait. Il paraissait évident que le grelot était attaché à cet homme ; mais alors qu’est-ce que cela pouvait signifier ? qu’était-ce que cet homme auquel une clochette était suspendue comme à un bélier ou à un bœuf ?