Page:Hugo - Les Misérables Tome II (1890).djvu/503

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matelas épais de deux pouces, mais sur la paille. Enfin on ne leur laissait pas même le sommeil ; toutes les nuits, après une journée de labeur, il fallait, dans l’accablement du premier repos, au moment où l’on s’endormait et où l’on se réchauffait à peine, se réveiller, se lever, et s’en aller prier dans une chapelle glacée et sombre, les deux genoux sur la pierre.

À de certains jours, il fallait que chacun de ces êtres, à tour de rôle, restât douze heures de suite agenouillé sur la dalle ou prosterné la face contre terre et les bras en croix.

Les autres étaient des hommes ; ceux-ci étaient des femmes.

Qu’avaient fait ces hommes ? Ils avaient volé, violé, pillé, tué, assassiné. C’étaient des bandits, des faussaires, des empoisonneurs, des incendiaires, des meurtriers, des parricides. Qu’avaient fait ces femmes ? Elles n’avaient rien fait.

D’un côté le brigandage, la fraude, le vol, la violence, la lubricité, l’homicide, toutes les espèces du sacrilège, toutes les variétés de l’attentat ; de l’autre une seule chose, l’innocence.

L’innocence parfaite, presque enlevée dans une mystérieuse assomption, tenant encore à la terre par la vertu, tenant déjà au ciel par la sainteté.

D’un côté des confidences de crimes qu’on se fait à voix basse. De l’autre la confession des fautes qui se fait à voix haute. Et quels crimes ! et quelles fautes !

D’un côté des miasmes, de l’autre un ineffable parfum. D’un côté une peste morale, gardée à vue, parquée sous le canon, et dévorant lentement ses pestiférés ; de l’autre un