Page:Hugo - Les Misérables Tome IV (1890).djvu/172

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

Cosette était trop jeune encore pour que cette joie d’avril qui lui ressemblait ne la pénétrât pas. Insensiblement, et sans qu’elle s’en doutât, le noir s’en alla de son esprit. Au printemps, il fait clair dans les âmes tristes comme à midi il fait clair dans les caves. Cosette même n’était déjà plus très triste. Du reste, cela était ainsi, mais elle ne s’en rendait pas compte. Le matin, vers dix heures, après déjeuner, lorsqu’elle avait réussi à entraîner son père pour un quart d’heure dans le jardin, et qu’elle le promenait au soleil devant le perron en lui soutenant son bras malade, elle ne s’apercevait point qu’elle riait à chaque instant et qu’elle était heureuse.

Jean Valjean, enivré, la voyait redevenir vermeille et fraîche.

— Oh ! la bonne blessure ! répétait-il tout bas.

Et il était reconnaissant aux Thénardier.

Une fois sa blessure guérie, il avait repris ses promenades solitaires et crépusculaires.

Ce serait une erreur de croire qu’on peut se promener de la sorte seul dans les régions inhabitées de Paris sans rencontrer quelque aventure.