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LES MISÉRABLES. — L’IDYLLE RUE PLUMET.

vaste douillette d’évêque, qui cachait ses vêtements. Chez lui, excepté pour se lever et se coucher, il ne portait jamais de robe de chambre. — Cela donne l’air vieux, disait-il.

Le père Gillenormand songeait à Marius amoureusement et amèrement, et, comme d’ordinaire, l’amertume dominait. Sa tendresse aigrie finissait toujours par bouillonner et par tourner en indignation. Il en était à ce point où l’on cherche à prendre son parti et à accepter ce qui déchire. Il était en train de s’expliquer qu’il n’y avait maintenant plus de raison pour que Marius revînt, que s’il avait dû revenir, il l’aurait déjà fait, qu’il fallait y renoncer. Il essayait de s’habituer à l’idée que c’était fini, et qu’il mourrait sans revoir « ce monsieur ». Mais toute sa nature se révoltait ; sa vieille paternité n’y pouvait consentir. — Quoi ! disait-il, c’était son refrain douloureux, il ne reviendra pas ! — Sa tête chauve était tombée sur sa poitrine, et il fixait vaguement sur la cendre de son foyer un regard lamentable et irrité.

Au plus profond de cette rêverie, son vieux domestique, Basque, entra et demanda :

— Monsieur peut-il recevoir monsieur Marius ?

Le vieillard se dressa sur son séant, blême et pareil à un cadavre qui se lève sous une secousse galvanique. Tout son sang avait reflué à son cœur. Il bégaya :

— Monsieur Marius quoi ?

— Je ne sais pas, répondit Basque intimidé et décontenancé par l’air du maître, je ne l’ai pas vu. C’est Nicolette qui vient de me dire : Il y a là un jeune homme, dites que c’est monsieur Marius.

Le père Gillenormand balbutia à voix basse :