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LES DÉSOLATIONS.

— Faites entrer.

Et il resta dans la même attitude, la tête branlante, l’œil fixé sur la porte. Elle se rouvrit. Un jeune homme entra. C’était Marius.

Marius s’arrêta à la porte comme attendant qu’on lui dît d’entrer.

Son vêtement presque misérable ne s’apercevait pas dans l’obscurité que faisait l’abat-jour. On ne distinguait que son visage calme et grave, mais étrangement triste.

Le père Gillenormand, hébété de stupeur et de joie, resta quelques instants sans voir autre chose qu’une clarté comme lorsqu’on est devant une apparition. Il était prêt à défaillir ; il apercevait Marius à travers un éblouissement. C’était bien lui, c’était bien Marius !

Enfin ! après quatre ans ! Il le saisit, pour ainsi dire, tout entier d’un coup d’œil. Il le trouva beau, noble, distingué, grandi, homme fait, l’attitude convenable, l’air charmant. Il eut envie d’ouvrir ses bras, de l’appeler, de se précipiter, ses entrailles se fondirent en ravissement, les paroles affectueuses le gonflaient et débordaient de sa poitrine ; enfin toute cette tendresse se fit jour et lui arriva aux lèvres, et par le contraste qui était le fond de sa nature, il en sortit une dureté. Il dit brusquement :

— Qu’est-ce que vous venez faire ici ?

Marius répondit avec embarras :

— Monsieur…

M. Gillenormand eût voulu que Marius se jetât dans ses bras. Il fut mécontent de Marius et de lui-même. Il sentit qu’il était brusque et que Marius était froid. C’était pour le