Aller au contenu

Page:Hugo - Les Misérables Tome I (1890).djvu/246

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
242
Les Misérables. — Fantine.

fermée dans sa vague résistance rêveuse et farouche, et qui aimait. — Toi, lui disait Favourite, tu as toujours l’air chose.

Ce sont là les joies. Ces passages de couples heureux sont un appel profond à la vie et à la nature, et font sortir de tout la caresse et la lumière. Il y avait une fois une fée qui fit les prairies et les arbres exprès pour les amoureux. De là cette éternelle école buissonnière des amants qui recommence sans cesse et qui durera tant qu’il y aura des buissons et des écoliers. De là la popularité du printemps parmi les penseurs. Le patricien et le gagne-petit, le duc et pair et le robin, les gens de la cour et les gens de la ville, comme on parlait autrefois, tous sont sujets de cette fée. On rit, on se cherche, il y a dans l’air une clarté d’apothéose, quelle transfiguration que d’aimer ! Les clercs de notaire sont des dieux. Et les petits cris, les poursuites dans l’herbe, les tailles prises au vol, ces jargons qui sont des mélodies, ces adorations qui éclatent dans la façon de dire une syllabe, ces cerises arrachées d’une bouche à l’autre, tout cela flamboie et passe dans des gloires célestes. Les belles filles font un doux gaspillage d’elles-mêmes. On croit que cela ne finira jamais. Les philosophes, les poètes, les peintres regardent ces extases et ne savent qu’en faire, tant cela les éblouit. Le départ pour Cythère ! s’écrie Watteau ; Lancret, le peintre de la roture, contemple ses bourgeois envolés dans le bleu ; Diderot tend les bras à toutes ces amourettes, et d’Urfé y mêle les druides.

Après le déjeuner les quatre couples étaient allés voir, dans ce qu’on appelait alors le carré du roi, une plante nou-