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L’ÉCUEIL

coiffes de laine rouge usitées alors dans la marine, qu’on appelait au siècle dernier galériennes.

Il reconnut l’écueil et avança.

La Durande était tout le contraire d’un navire coulé à fond ; c’était un navire accroché en l’air.

Pas de sauvetage plus étrange à entreprendre.

Il faisait plein jour quand Gilliatt arriva dans les eaux de l’écueil.

Il y avait, nous venons de le dire, peu de mer. L’eau avait seulement la quantité d’agitation que lui donne le resserrement entre les rochers. Toute manche, petite ou grande, clapote. L’intérieur d’un détroit écume toujours.

Gilliatt n’aborda point les Douvres sans précaution.

Il jeta la sonde plusieurs fois.

Gilliatt avait un petit débarquement à faire.

Habitué aux absences, il avait chez lui son en-cas de départ toujours prêt. C’était un sac de biscuit, un sac de farine de seigle, un panier de stock-fish et de bœuf fumé, un grand bidon d’eau douce, une caisse norvégienne à fleurs peintes contenant quelques grosses chemises de laine, son suroît et ses jambières goudronnées, et une peau de mouton qu’il jetait la nuit par-dessus sa vareuse. Il avait, en quittant le Bû de la Rue, mis tout cela en hâte dans la panse, plus un pain frais. Pressé de partir, il n’avait emporté d’autre engin de travail que son marteau de forgeron, sa hache et son hacherot, une scie, et une corde à nœuds armée de son grappin. Avec une échelle de cette sorte et la manière de s’en servir, les pentes revêches deviennent maniables, et un bon marin trouve des praticables dans les