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LES DOUBLES FONDS DE L’OBSTACLE

était admirablement disséqué. On eût dit une préparation d’anatomie ; toute la chair était éliminée ; pas un muscle ne restait, pas un os ne manquait. Si Gilliatt eût été du métier, il eût pu le constater. Les périostes dénudés étaient blancs, polis, et comme fourbis. Sans quelques verdissements de conferves çà et là, c’eût été de l’ivoire. Les cloisons cartilagineuses étaient délicatement amenuisées et ménagées. La tombe fait de ces bijouteries sinistres.

Le cadavre était comme enterré sous les crabes morts ; Gilliatt le déterrait.

Tout à coup il se pencha vivement.

Il venait d’apercevoir autour de la colonne vertébrale une espèce de lien.

C’était une ceinture de cuir qui avait évidemment été bouclée sur le ventre de l’homme de son vivant.

Le cuir était moisi. La boucle était rouillée.

Gilliatt tira à lui cette ceinture. Les vertèbres résistèrent, et il dut les rompre pour la prendre. La ceinture était intacte. Une croûte de coquillages commençait à s’y former.

Il la palpa et sentit un objet dur et de forme carrée dans l’intérieur. Il ne fallait pas songer à défaire la boucle. Il fendit le cuir avec son couteau.

La ceinture contenait une petite boîte de fer et quelques pièces d’or. Gilliatt compta vingt guinées.

La boîte de fer était une vieille tabatière de matelot, s’ouvrant à ressort. Elle était très rouillée et très fermée. Le ressort, complètement oxydé, n’avait plus de jeu.

Le couteau tira encore d’embarras Gilliatt. Une pesée