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LES DOUBLES FONDS DE L’OBSTACLE

que dans la langue spéciale on appelle fourrures, et l’on refoule le plus qu’on peut dans la crevasse la tumeur du prélart.

De ces « fourrures », Gilliatt n’en avait point. Tout ce qu’il avait emmagasiné de lambeaux et d’étoupes avait été ou employé dans ses travaux, ou dispersé par la rafale.

À la rigueur, il eût pu en retrouver quelques restes en furetant dans les rochers. La panse était assez allégée pour qu’il pût s’absenter un quart d’heure ; mais comment faire cette perquisition sans lumière ? L’obscurité était complète. Il n’y avait plus de lune ; rien que le sombre ciel étoilé. Gilliatt n’avait pas de filin sec pour faire une mèche, pas de suif pour faire une chandelle, pas de feu pour l’allumer, pas de lanterne pour l’abriter. Tout était confus et indistinct dans la barque et dans l’écueil. On entendait l’eau bruire autour de la coque blessée, on ne voyait même pas la crevasse ; c’est avec les mains que Gilliatt constatait la tension croissante du prélart. Impossible de faire en cette obscurité une recherche utile des haillons de toile et de funin épars dans les brisants. Comment glaner ces loques sans y voir clair ? Gilliatt considérait tristement la nuit. Toutes les étoiles, et pas une chandelle.

La masse liquide ayant diminué dans la barque, la pression extérieure augmentait. Le gonflement du prélart grossissait. Il ballonnait de plus en plus. C’était comme un abcès prêt à s’ouvrir. La situation, un moment améliorée, redevenait menaçante.

Un tampon était impérieusement nécessaire.

Gilliatt n’avait plus que ses vêtements.