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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

Il les avait, on s’en souvient, mis à sécher sur les roches saillantes de la petite Douvre.

Il les alla ramasser et les déposa sur le rebord de la panse.

Il prit son suroît goudronné, et, s’agenouillant dans l’eau, il l’enfonça dans la crevasse, repoussant la tumeur du prélart au dehors, et par conséquent la vidant. Au suroît il ajouta la peau de mouton, à la peau de mouton la chemise de laine, à la chemise la vareuse. Tout y passa.

Il n’avait plus sur lui qu’un vêtement, il l’ôta, et avec son pantalon il grossit et affermit l’étoupage. Le tampon était fait, et ne semblait pas insuffisant.

Ce tampon débordait au dehors la crevasse, avec le prélart pour enveloppe. Le flot, voulant entrer, pressait l’obstacle, l’élargissait utilement sur la fracture, et le consolidait. C’était une sorte de compresse extérieure.

À l’intérieur, le centre seul du gonflement ayant été refoulé, il restait tout autour de la crevasse et du tampon un bourrelet circulaire du prélart d’autant plus adhérent que les inégalités mêmes de la fracture le retenaient. La voie d’eau était aveuglée.

Mais rien n’était plus précaire. Ces reliefs aigus de la fracture qui fixaient le prélart pouvaient le percer, et par ces trous l’eau rentrerait. Gilliatt, dans l’obscurité, ne s’en apercevrait même pas. Il était peu probable que ce tampon durât jusqu’au jour. L’anxiété de Gilliatt changeait de forme, mais il la sentait croître en même temps qu’il sentait ses forces s’éteindre.