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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

France, où il faut des bans, des publications, des délais, tout le bataclan, et tu pourras te vanter d’être la femme d’un brave homme, et il n’y a pas à dire, c’est que c’est un marin, je l’ai pensé dès le premier jour quand je l’ai vu revenir de Herm avec le petit canon. À présent il revient des Douvres, avec sa fortune, et la mienne, et la fortune du pays ; c’est un homme dont on parlera un jour comme il n’est pas possible ; tu as dit : je l’épouserai, tu l’épouseras ; et vous aurez des enfants, et je serai grand-père, et tu auras cette chance d’être la lady d’un gaillard sérieux, qui travaille, qui est utile, qui est surprenant, qui en vaut cent, qui sauve les inventions des autres, qui est une providence, et au moins, toi, tu n’auras pas, comme presque toutes les chipies riches de ce pays-ci, épousé un soldat ou un prêtre, c’est-à-dire l’homme qui tue ou l’homme qui ment. Mais qu’est-ce que tu fais dans ton coin, Gilliatt ? On ne te voit pas. Douce ! Grâce ! Tout le monde, de la lumière. Illuminez-moi mon gendre à giorno. Je vous fiance, mes enfants, et voilà ton mari, et voilà mon gendre, c’est Gilliatt du Bû de la Rue, le bon garçon, le grand matelot, et je n’aurai pas d’autre gendre, et tu n’auras pas d’autre mari, j’en redonne ma parole d’honneur au bon Dieu. Ah ! C’est vous, monsieur le curé, vous me marierez ces jeunes gens-là.

L’œil de mess Lethierry venait de tomber sur le révérend Ebenezer.

Douce et Grâce avaient obéi. Deux chandelles posées sur la table éclairaient Gilliatt de la tête aux pieds.

— Qu’il est beau ! cria Lethierry.

Gilliatt était hideux.