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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

telots chargés d’empêcher l’approche. La cheminée, au surplus, suffisait à la contemplation. La foule s’émerveillait. On ne parlait que de Gilliatt. On commentait et on accentuait son surnom de Malin ; l’admiration s’achevait volontiers par cette phrase : « Ce n’est toujours pas agréable d’avoir dans l’île des gens capables de faire des choses comme ça. »

on voyait du dehors mess Lethierry assis à sa table devant sa fenêtre et écrivant, un œil sur son papier, l’autre sur la machine. Il était tellement absorbé qu’il ne s’était interrompu qu’une fois pour « crier » Douce et pour lui demander des nouvelles de Déruchette. Douce avait répondu : — Mademoiselle s’est levée, et est sortie. — Mess Lethierry avait dit : — Elle fait bien de prendre l’air. Elle s’est trouvée un peu mal cette nuit à cause de la chaleur. Il y avait beaucoup de monde dans la salle. Et puis la surprise, la joie, avec cela que les fenêtres étaient fermées. Elle va avoir un fier mari ! — Et il avait recommencé à écrire. Il avait déjà paraphé et scellé deux lettres adressées aux plus notables maîtres de chantiers de Brême. Il achevait de cacheter la troisième.

Le bruit d’une roue sur le quai lui fit dresser le cou. Il se pencha à sa fenêtre et vit déboucher du sentier par où l’on allait au Bû de la Rue un boy poussant une brouette. Ce boy se dirigeait du côté de Saint-Pierre-Port. Il y avait dans la brouette une malle de cuir jaune damasquinée de clous de cuivre et d’étain.

Mess Lethierry apostropha le boy.

— Où vas-tu, garçon ?