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Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome II (1892).djvu/333

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DÉPART DU « CASHMERE »

redressa, et, du geste, invita Ebenezer et Déruchette à s’approcher de la table.

La cérémonie commença.

Ce fut un moment étrange.

Ebenezer et Déruchette étaient l’un près de l’autre devant le ministre. Quiconque a fait un songe où il s’est marié a éprouvé ce qu’ils éprouvaient.

Gilliatt était à quelque distance dans l’obscurité des piliers.

Déruchette le matin en se levant, désespérée, pensant au cercueil et au suaire, s’était vêtue de blanc. Cette idée de deuil fut à propos pour la noce. La robe blanche fait tout de suite une fiancée. La tombe aussi est une fiançaille.

Un rayonnement se dégageait de Déruchette. Jamais elle n’avait été ce qu’elle était en cet instant-là. Déruchette avait ce défaut d’être peut-être trop jolie et pas assez belle. Sa beauté péchait, si c’est là pécher, par excès de grâce. Déruchette au repos, c’est-à-dire en dehors de la passion et de la douleur, était, nous avons indiqué ce détail, surtout gentille. La transfiguration de la fille charmante, c’est la vierge idéale. Déruchette, grandie par l’amour et par la souffrance, avait eu, qu’on nous passe le mot, cet avancement. Elle avait la même candeur avec plus de dignité, la même fraîcheur avec plus de parfum. C’était quelque chose comme une pâquerette qui deviendrait un lys.

La moiteur des pleurs taries était sur ses joues. Il y avait peut-être encore une larme dans le coin du sourire. Les larmes séchées, vaguement visibles, sont une sombre et douce parure au bonheur.