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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

La partie inférieure des brisants était tapissée de varech et la partie supérieure de lichen. Le niveau uniforme du varech sur toutes les roches marquait la ligne de flottaison de la marée pleine et de la mer étale. Les pointes que l’eau n’atteignait pas avaient cette argenture et cette dorure que donne aux granits marins le bariolage du lichen blanc et du lichen jaune.

Une lèpre de coquillages conoïdes couvrait la roche à de certains endroits. Carie sèche du granit.

Sur d’autres points, dans des angles rentrants où s’était accumulé un sable fin ondé à la surface plutôt par le vent que par le flot, il y avait des touffes de chardon bleu.

Dans les redans peu battus de l’écume, on reconnaissait les petites tanières forées par l’oursin. Ce hérisson coquillage, qui marche, boule vivante, en roulant sur ses pointes, et dont la cuirasse se compose de plus de dix mille pièces artistement ajustées et soudées, l’oursin, dont la bouche s’appelle, on ne sait pourquoi, lanterne d’Aristote, creuse le granit avec ses cinq dents qui mordent la pierre, et se loge dans le trou. C’est en ces alvéoles que les chercheurs de fruits de mer le trouvent. Ils le coupent en quatre et le mangent cru, comme l’huître. Quelques-uns trempent leur pain dans cette chair molle. De là son nom, œuf de mer.

Les sommets lointains des bas-fonds, mis hors de l’eau par la marée descendante, aboutissaient sous l’escarpement même de l’Homme à une sorte de crique, murée presque de tous côtés par l’écueil. Il y avait là évidemment un mouillage possible. Gilliatt observa cette crique. Elle avait la forme d’un fer à cheval, et s’ouvrait d’un seul côté, au