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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

grand pas vers le triomphe. Le vent était l’ennemi de Gilliatt ; Gilliatt entreprit d’en faire son valet.

Ce qu’on dit de certains hommes : — propre à tout, bon à rien, — on peut le dire des creux de rocher. Ce qu’ils offrent, ils ne le donnent point. Tel creux de rocher est une baignoire, mais qui laisse fuir l’eau par une fissure ; tel autre est une chambre, mais sans plafond ; tel autre est un lit de mousse, mais mouillée ; tel autre est un fauteuil, mais de pierre.

La forge que Gilliatt voulait établir était ébauchée par la nature ; mais dompter cette ébauche jusqu’à la rendre maniable, et transformer cette caverne en laboratoire, rien n’était plus âpre et plus malaisé. Avec trois ou quatre larges roches évidées en entonnoir et aboutissant à une fêlure étroite, le hasard avait fait là une espèce de vaste soufflante informe, bien autrement puissante que ces anciens grands soufflets de forge de quatorze pieds de long, lesquels donnaient en bas, par chaque coup d’haleine, quatre-vingt-dix-huit mille pouces d’air. C’était ici tout autre chose. Les proportions de l’ouragan ne se calculent pas.

Cet excès de force était une gêne ; il était difficile de régler ce souffle.

La caverne avait deux inconvénients ; l’air la traversait de part en part, l’eau aussi.

Ce n’était point la lame marine, c’était un petit ruissellement perpétuel, plus semblable à un suintement qu’à un torrent.

L’écume, sans cesse lancée par le ressac sur l’écueil, quelquefois à plus de cent pieds en l’air, avait fini par