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L’ÉCUEIL

emplir d’eau de mer une cuve naturelle située dans les hautes roches qui dominaient l’excavation. Le trop-plein de ce réservoir faisait, un peu en arrière, dans l’escarpement, une mince chute d’eau, d’un pouce environ, tombant de quatre ou cinq toises. Un contingent de pluie s’y ajoutait. De temps en temps un nuage versait en passant une ondée dans ce réservoir inépuisable et toujours débordant. L’eau en était saumâtre, non potable, mais limpide, quoique salée. Cette chute s’égouttait gracieusement aux extrémités des conferves comme aux pointes d’une chevelure.

Gilliatt songea à se servir de cette eau pour discipliner ce vent. Au moyen d’un entonnoir, de deux ou trois tuyaux en planches menuisés et ajustés à la hâte, dont un à robinet, et d’une baille très large disposée en réservoir inférieur, sans flasque et sans contrepoids, en complétant seulement l’engin par un étranguillon en haut et des trous aspirateurs en bas, Gilliatt, qui était, nous l’avons dit, un peu forgeron et un peu mécanicien, parvint à composer, pour remplacer le soufflet de forge qu’il n’avait pas, un appareil moins parfait que ce qu’on nomme aujourd’hui une cagniardelle, mais moins rudimentaire que ce qu’on appelait jadis dans les Pyrénées une trompe.

Il avait de la farine de seigle, il en fit de la colle ; il avait du funin blanc, il en fit de l’étoupe. Avec cette étoupe et cette colle et quelques coins de bois, il boucha toutes les fissures du rocher, ne laissant qu’un bec d’air, fait d’un petit tronçon d’espoulette qu’il trouva dans la Durande et qui avait servi de boute-feu au pierrier de signal. Ce bec d’air était horizontalement dirigé sur une large dalle où