Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome I (1891).djvu/229

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.
227
LE BUG-PIPE

être sûr qu’au moment où il avait passé elle avait souri. Il n’y avait à cela rien d’impossible.

Déruchette entendait toujours de temps en temps le bag-pipe.

Ce bag-pipe, mess Lethierry aussi l’entendait. Il avait fini par remarquer cet acharnement de musique sous les fenêtres de Déruchette. Musique tendre, circonstance aggravante. Un galant nocturne n’était pas de son goût. Il voulait marier Déruchette le jour venu, quand elle voudrait et quand il voudrait, purement et simplement, sans roman et sans musique. Impatienté, il avait guetté, et il croyait bien avoir entrevu Gilliatt. Il s’était passé les ongles dans les favoris, signe de colère, et il avait grommelé : Qu’a-t-il à piper, cet animal-là ? Il aime Déruchette, c’est clair. Tu perds ton temps. Qui veut Déruchette doit s’adresser à moi, et pas en jouant de la flûte.

Un évènement considérable, prévu depuis longtemps, s’accomplit. On annonça que le révérend Jaquemin Hérode était nommé subrogé de l’évêque de Winchester, doyen de l’île et recteur de Saint-Pierre-Port, et qu’il quitterait Saint-Sampson pour Saint-Pierre immédiatement après avoir installé son successeur.

Le nouveau recteur ne pouvait tarder à arriver. Ce prêtre était un gentleman d’origine normande, monsieur Joë Ebenezer Caudray, anglaisé Cawdry.

On avait sur le futur recteur des détails que la bienveillance et la malveillance commentaient en sens inverse. On le disait jeune et pauvre, mais sa jeunesse était tempérée par beaucoup de doctrine et sa pauvreté par beaucoup d’es-