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LES TRAVAILLEURS DE LA MER

— Voyons voir, dit le petit français.

Et il fit un pas vers la maison.

Les deux autres avaient une telle peur qu’ils se décidèrent à le suivre. Ils n’osaient plus s’enfuir tout seuls.

Comme ils venaient de dépasser un assez gros tas de fagots qui, on ne sait pas pourquoi, les rassurait dans cette solitude, une chevêche s’envola d’un buisson. Cela fit un froissement de branches. Les chevêches ont une espèce de vol louche, d’une obliquité inquiétante. L’oiseau passa de travers près des enfants, en fixant sur eux la rondeur de ses yeux, clairs dans la nuit.

Il y eut un certain tremblement dans le groupe derrière le petit français.

Il apostropha la chevêche.

— Moineau, tu viens trop tard. Il n’est plus temps. Je veux voir.

Et il avança.

Le craquement de ses gros souliers cloutés sur les ajoncs n’empêchait pas d’entendre les bruits de la masure, qui s’élevaient et s’abaissaient, avec l’accentuation calme et la continuité d’un dialogue.

Un moment après, il ajouta :

— D’ailleurs il n’y a que les bêtes qui croient aux revenants.

L’insolence dans le danger rallie les traînards et les pousse en avant.

Les deux gars de Torteval se remirent en marche, emboîtant le pas à la suite de l’apprenti calfat.

La maison visionnée leur faisait l’effet de grandir déme-