Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome I (1891).djvu/47

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monnaies et des mesures. Le schelling, notre ancien ascalin ou chelin, vaut vingt-cinq sous en Angleterre, vingt-six sous à Jersey, et vingt-quatre sous à Guernesey. « Le poids de la reine » a, lui aussi, des caprices ; la livre guernesiaise n’est pas la livre jersiaise, qui n’est pas la livre anglaise. À Guernesey on mesure le champ en vergées et la vergée en perches. Ce mesurage change à Jersey. À Guernesey on ne se sert que d’argent français, et l’on ne nomme que l’argent anglais. Un franc s’appelle un « dix pence ». L’absence de symétrie va jusque-là qu’il y a dans l’archipel plus de femmes que d’hommes ; six femmes pour cinq hommes.

Guernesey a eu beaucoup de sobriquets, quelques-uns archéologiques ; elle est pour les savants Granosia, et pour les loyaux la petite Angleterre. Elle ressemble en effet par sa forme géométrale à l’Angleterre ; Serk serait son Irlande, mais une Irlande à l’est. Guernesey a dans ses eaux deux cents variétés de testacés et quarante espèces d’éponges. Elle a été dédiée par les romains à Saturne, mais par les celtes à Gwyn ; elle n’y a pas gagné grand’chose, Gwyn est, comme Saturne, un mangeur d’enfants. Elle a un vieux code français qui date de 1331 et qu’on intitule le Précepte d’Assize. De son côté Jersey a trois ou quatre vieilles tables normandes, la cour d’héritage, où ressortissent les fiefs, la cour de Catel, qui est criminelle, la cour du Billet, qui est un tribunal de commerce, et la cour du Samedi, qui est une police correctionnelle. Guernesey exporte du vinaigre, du bétail et des fruits, mais surtout elle s’exporte elle-même ; son principal commerce, c’est le gypse et le granit. Guer-