Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome I (1891).djvu/48

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nesey a trois cent cinq maisons inhabitées. Pourquoi ? La réponse, pour quelques-unes du moins, est peut-être dans un des chapitres de ce livre. Les russes baraqués à Jersey au commencement de ce siècle ont laissé leur souvenir dans les chevaux ; le cheval jersiais est un composé singulier du cheval normand et du cheval cosaque ; c’est un admirable coureur et un marcheur puissant. Il pourrait porter Tancrède et traîner Mazeppa.

Au dix-septième siècle, il y a eu guerre civile entre Guernesey et le château Cornet ; le château Cornet étant pour Stuart et Guernesey pour Cromwell. C’est à peu près comme si l’île Saint-Louis déclarait la guerre au quai des Ormes. À Jersey il existe deux factions, la Rose et le Laurier ; diminutifs des whigs et des tories. La division, la hiérarchie, la caste, le compartiment, plaisent aux insulaires de cet archipel, si bien qualifié La Normandie inconnue. Les guernesiais en particulier ont tellement le goût des îles qu’ils font des îles dans la population ; en haut de ce petit ordre social, soixante familles, les sixty, vivent à part ; à mi-côte, quarante familles, les forty, font un autre groupe, également isolé ; autour est le peuple. Quant à l’autorité, tout à la fois locale et anglaise, elle se décompose ainsi : dix paroisses, dix recteurs, vingt connétables, cent soixante douzeniers, une cour royale avec procureur et un contrôle, un parlement dit les états, douze juges appelés juvats, un bailli qualifié baillif. Balnivus et coronator disent les vieilles, chartes. Pour loi la coutume de Normandie. Le procureur est nommé par commission, et le baillif par patente, nuance anglaise fort sérieuse. Outre le baillif qui gouverne le civil,