picot ». La langue judiciaire et légale a, elle aussi, l’arrière-goût normand. Un dossier de procès, une requête, un projet de loi, sont « logés au greffe ». Un père qui marie sa fille ne lui doit rien « pendant qu’elle est couverte de mari ».
Aux termes de la coutume normande, une fille non mariée, qui est grosse, désigne le père de son enfant dans la population. Elle le choisit quelquefois un peu. Cela n’est pas sans quelque inconvénient.
Le français que parlent les anciens habitants de l’archipel n’est peut-être pas tout à fait de leur faute.
Il y a une quinzaine d’années, plusieurs français arrivèrent à Jersey, nous venons d’indiquer ce détail. (Disons-le en passant, on ne comprenait pas bien pourquoi ils avaient quitté leur pays ; quelques habitants les appelaient ces biaux révoltés.) Un de ces français reçut la visite d’un vieux professeur de langue française, établi depuis longtemps, disait-il, dans le pays. C’était un alsacien, accompagné de sa femme. Il montrait peu d’estime pour le français normand qui est l’idiome de la Manche. En entrant il s’écria : — J’ai pien te la beine à leur abrendre le vranzais. On barle ici badois.
— Comment badois ?
— Oui, badois.
— Ah ! patois ?
— C’est ça, badois.
Le professeur continua ses plaintes sur le « badois » normand. Sa femme lui ayant adressé la parole, il se tourna vers elle et lui dit : — Ne me vaites bas ici de zènes gonchicales.