Page:Hugo - Les Travailleurs de la mer Tome I (1891).djvu/79

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Tout borne l’homme, mais rien ne l’arrête. Il répliqua à la limite par l’enjambée. L’impossible est une frontière toujours reculante.

Une formation géologique qui a à sa base la boue du déluge et à son sommet la neige éternelle est pour l’homme un mur comme un autre, il la perce, et passe outre. Il coupe un isthme, force un volcan, menuise une falaise, évide un gisement, met un promontoire en petits morceaux. Jadis il se donnait toute cette peine pour Xercès ; aujourd’hui, moins bête, il se la donne pour lui-même. Cette diminution de bêtise s’appelle le progrès. L’homme travaille à sa maison, et sa maison c’est la terre. Il dérange, déplace, supprime, abat ; rase, mine, sape, creuse, fouille, casse, pulvérise, efface cela abolit ceci, et reconstruit avec de la destruction. Rien ne le fait hésiter, nulle masse, nul encombrement, nulle autorité de la matière splendide, nulle majesté de la nature. Si les énormités de la création sont à sa portée, il les bat en brèche. Ce côté de Dieu qui peut être ruiné le tente, et il monte à l’assaut de l’immensité, le marteau à la main, L’avenir verra peut-être mettre en démolition les Alpes. Globe, laisse faire la fourmi.

L’enfant, brisant son jouet, a l’air d’en chercher l’âme. L’homme aussi semble chercher l’âme de la terre. Pourtant, ne nous exagérons pas notre puissance, quoi que l’homme fasse, les grandes lignes de la création persistent ; la masse suprême ne dépend point de l’homme. Il peut sur le détail, non sur l’ensemble. Et il est bon que cela soit ainsi. Le Tout est providentiel. Les lois passent au-dessus de nous. Ce que nous faisons ne va pas au delà de