Page:Hugo - Ruy Blas, édition 1839.djvu/12

La bibliothèque libre.
Cette page a été validée par deux contributeurs.

électricités opposées de la comédie et de la tragédie se rencontrent, et l’étincelle qui en jaillit, c’est le drame.

En expliquant, comme il les entend et comme il les a déjà indiqués plusieurs fois, le principe, la loi et le but du drame, l’auteur est loin de se dissimuler l’exiguïté de ses forces et la brièveté de son esprit. Il définit ici, qu’on ne s’y méprenne pas, non ce qu’il a fait, mais ce qu’il a voulu faire. Il montre ce qui a été pour lui le point de départ. Rien de plus.

Nous n’avons en tête de ce livre que peu de lignes à écrire, et l’espace nous manque pour les développements nécessaires. Qu’on nous permette donc de passer, sans nous appesantir autrement sur la transition, des idées générales que nous venons de poser, et qui, selon nous (toutes les conditions de l’idéal étant maintenues du reste) régissent l’art tout entier, à quelques-unes des idées particulières que ce drame, Ruy Blas, peut soulever dans les esprits attentifs.

Et premièrement, pour ne prendre qu’un des côtés de la question, au point de vue de la philosophie de l’histoire, quel est le sens de ce drame ? — Expliquons-nous.

Au moment où une monarchie va s’écrouler, plusieurs phénomènes peuvent être observés. Et d’abord la noblesse tend à se dissoudre. En se dissolvant elle se divise, et voici de quelle façon :

Le royaume chancelle, la dynastie s’éteint, la loi tombe en ruine ; l’unité politique s’émiette aux tiraillements de l’intrigue ; le haut de la société s’abâtardit