Page:Hugo - Ruy Blas, édition 1839.djvu/138

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Tout ce que j’ai souffert. — Toujours seule, oubliée.
Et puis, à chaque instant, je suis humiliée.
Tiens, juge : hier encor… — Ma chambre me déplaît.
— Tu dois savoir cela, toi qui sais tout, il est
Des chambres où l’on est plus triste que dans d’autres ; —
J’en ai voulu changer. Vois quels fers sont les nôtres !
On ne l’a pas voulu. Je suis esclave ainsi ! —
Duc, il faut, — dans ce but le ciel t’envoie ici, —
Sauver l’État qui tremble, et retirer du gouffre
Le peuple qui travaille, et m’aimer, moi qui souffre.
Je te dis tout cela sans suite, à ma façon,
Mais tu dois cependant voir que j’ai bien raison.

Ruy Blas, tombant à genoux.

Madame…

La Reine, gravement.

Madame…Don César, je vous donne mon âme.
Reine pour tous, pour vous je ne suis qu’une femme.
Par l’amour, par le cœur, duc, je vous appartien.
J’ai foi dans votre honneur pour respecter le mien.
Quand vous m’appellerez, je viendrai. Je suis prête.
— Ô César ! un esprit sublime est dans ta tête.
Sois fier, car le génie est ta couronne à toi !

Elle baise Ruy Blas au front

Adieu.

Elle soulève la tapisserie et disparaît.