Page:Hugo - Ruy Blas, édition 1839.djvu/144

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Ruy Blas, pâle de honte et de désespoir, hésite un moment ; puis il fait un effort et se dirige lentement vers la fenêtre, la ferme, et revient vers don Salluste, qui, assis dans le fauteuil, le suit des yeux d’un air indifférent.
Ruy Blas, reprenant et essayant de convaincre don Salluste.

Daignez voir à quel point la guerre est malaisée.
Que faire sans argent ? Excellence, écoutez.
Le salut de l’Espagne est dans nos probités.
Pour moi, j’ai, comme si notre armée était prête,
Fait dire à l’empereur que je lui tiendrais tête…

Don Salluste, interrompant Ruy Blas et lui montrant son mouchoir qu’il a laissé tomber en entrant.

Pardon ! ramassez-moi mon mouchoir.

Ruy Blas comme à la torture, hésite encore, puis se baisse, ramasse le mouchoir, et le présente à don Salluste.
Don Salluste, mettant le mouchoir dans sa poche.

Pardon ! ramassez-moi mon mouchoir.— Vous disiez ?…

Ruy Blas, avec effort.

Le salut de l’Espagne ! — Oui, l’Espagne à nos pieds,
Et l’intérêt public demandent qu’on s’oublie.
Ah ! toute nation bénit qui la délie.
Sauvons ce peuple ! Osons être grands, et frappons !
Ôtons l’ombre à l’intrigue et le masque aux fripons !

Don Salluste, nonchalamment.

Et d’abord ce n’est pas de bonne compagnie. —
Cela sent son pédant et son petit génie