Page:Hugo - Ruy Blas, édition 1839.djvu/145

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Que de faire sur tout un bruit démesuré.
Un méchant million, plus ou moins dévoré,
Voilà-t-il pas de quoi pousser des cris sinistres !
Mon cher, les grands seigneurs ne sont pas de vos cuistres.
Ils vivent largement. Je parle sans phébus.
Le bel air que celui d’un redresseur d’abus
Toujours bouffi d’orgueil et rouge de colère !
Mais bah ! vous voulez être un gaillard populaire,
Adoré des bourgeois et des marchands d’esteufs.
C’est fort drôle. Ayez donc des caprices plus neufs.
Les intérêts publics ? Songez d’abord aux vôtres.
Le salut de l’Espagne est un mot creux que d’autres
Feront sonner, mon cher, tout aussi bien que vous.
La popularité ? c’est la gloire en gros sous.
Rôder, dogue aboyant, tout autour des gabelles ?
Charmant métier ! je sais des postures plus belles.
Vertu ? foi ? probité ? C’est du clinquant déteint.
C’était usé déjà du temps de Charles-Quint.
Vous n’êtes pas un sot ; faut-il qu’on vous guérisse
Du pathos ? Vous tétiez encor votre nourrice,
Que nous autres déjà nous avions sans pitié,
Gaîment, à coups d’épingle ou bien à coups de pié,
Crevant votre ballon au milieu des risées,
Fait sortir tout le vent de ces billevesées !

Ruy Blas

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Mais pourtant, monseigneur…

Don Salluste, avec un sourire glacé.

Mais pourtant, monseigneur…Vous êtes étonnant.
Occupons-nous d’objets sérieux, maintenant.